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Matières à penser - Page 23

  • C'est la vie

    On râle, on regimbe, on rechigne, on renâcle, mais on y va. Non, je ne parle pas du boulot, je parle de la mort.

  • Savoir comparer

    C'est assez moche, un hélicoptère. Voyez en comparaison le galbe et la brillance d'un lavabo ! Je ne vois pas qui oserait lui préférer cette lourde machine bruyante qui s'arrache du sol dans une débauche d'énergie polluante.

  • L'homme qui sauva King Kong

    Dans « j'ai grandi à Hollywood », magnifique livre de souvenirs d'un enfant dans l'usine à rêves de l'Amérique des années 20-30 et plus (ed. Ramsay), le futur grand réalisateur Robert Parrish raconte avec humour comment il a sauvé King Kong. En effet, à la RKO, rachetée par Seilznick à ce moment-là, le jeune employé est chargé de contrôler les négatifs (la cellulose a tendance à se rétrécir avec le temps. Au bout de quelques années, les perforations ne correspondent plus au système et on doit jeter les bobines) de tous les films stockés. Pour certains, abimés mais jugés assez importants, Parrish a la possibilité de commander un nouveau négatif. Il faut l'imaginer seul dans un vaste hangar, déroulant sur la moviola des kilomètres de pellicule et jugeant en son âme et conscience ce qu'il va sauver ou non (le budget est évidemment limité). Parrish sauve ainsi, un jour, le négatif de King Kong, 1933. Sans lui, je n'aurais pas pris de plein fouet ce basculement de l'autre côté du miroir magique du cinoche, quand, soudain, un grand chef noir appelle une créature géante venue de la jungle et de la nuit, quand les cris de Fay Wray s'élèvent dans la nuit, quand les petits bonshommes venus du XXème siècle s'apprêtent à entrer de plain-pied dans la préhistoire. Sans la décision initiale de Parrish, je n'aurais pas connu le travail de Willis O'brien, je ne me serais pas intéressé à la préhistoire, à l'histoire, à l'art, à l'histoire de l'art, je n'aurais pas réalisé de films, pas écrit de scénarii, pas écrit de romans, pas écrit du tout peut-être. Sans lui, je serais un autre. Sans lui, des millions de spectateurs seraient autres. C'est vertigineux quand on y pense.

  • Nous, les faibles.

    Ces combats que nous n'avons pas menés, laissés à d'autres. Plus forts que nous, plus intelligents que nous, plus combattifs ou résolus que nous. Et qu'ils ont perdus. Nous n'avions pas perçu que nous étions les renforts, l'assise, l'arrière. Qu'en notre sein naissait la vague suivante. Tout accablés de notre faiblesse, nous n'avions pas vu que nous étions leur socle. Et qu'ils avaient besoin de nous.

  • On ne nous dit pas tout

    Je pose juste la question : quand deux taupes se rencontrent, elles sont nez à nez. Comment font-elles, dans leurs fichues galeries étroites, pour se retourner et s'accoupler, hein ?

  • Carré blanc

    Le congélateur est tout de même le moins classe des appareils électro-ménagers. Aucun designer ne se penche sur son cas pour modifier ses formes invariablement parallélépipédiques. Une circonstance atténuante est que, contrairement au superbe aspirateur qui a inspiré toutes les fantaisies, lui fait correctement ce qu’il a à faire.

  • Touch d clavi r

    A force d'écrire et d'écrire, les lettres du clavier s'estompent. La première à disparaître étant la voyelle la plus usitée dans la langue française : le « e ». Je me demande si ce n'est pas à partir d'un constat aussi anodin que Georges Pérec a imaginé La disparition. Du coup, je cherche une seconde vérité dans mon clavier, dans ceux que j'ai usés avant lui. Je vois que la lettre « s » est en partie mutilée. Un livre sans pluriel -ou sans sexe ?

  • Partir de Facebook, mais pourquoi ?

    J'ai désactivé mon compte Facebook. Le réseau social ne vous lâche pas si facilement : il faut trouver le paramètre qui permet l'opération (merci les forums) et surtout répondre à une question : « pourquoi ? » Pourquoi voulez-vous quitter ce si magnifique merveilleux moyen de communication ? On vous propose une liste de raisons, parmi lesquelles j'ai choisi « passe trop de temps » ou une formulation qui signifie ça. En réalité, un de mes derniers liens mis sur ma page, bien innocent, pour saluer l'ouverture d'un sex-shop à Casablanca, m'avait valu la vindicte d'un « ami » ivre de religion et convaincu qu'il s'agissait d'une preuve supplémentaire de mon racisme. Le même s'était étonné qu'un jour je défende un musulman. L'incompréhension, la haine de la différence, maintenue au feu de plus de 15 ans de vie politique animée par le FN, rend presque impossible un dialogue serein avec les plus frustrés. Du coup, chacun reste sur ses positions, rien n'avance. C'était un peu long à expliquer aux administrateurs de Facebook, alors oui, j'ai coché : « passe trop de temps ».

  • 5 points cardinaux

    Lu sur l'ancien blog de William Réjault (et traduit par ses soins à partir d'un article du Guardian), William Réjault alias Ron l'infirmier, blogueur dont je suivais autrefois quotidiennement les chroniques talentueuses avant que son côté people ne m'agace décidément trop :

    D'après une infirmière qui a recueilli les cinq regrets les plus fréquents avant de mourir :

    1. I wish I'd had the courage to live a life true to myself, not the life others expected of me.
    = Si seulement j'avais eu le courage de vivre ma vie selon ce que je voulais vraiment pour moi et pas selon ce que les autres voulaient à ma place.

    2. I wish I hadn't worked so hard.
    = Si seulement je n'avais pas travaillé autant, pour profiter un peu plus de mes proches.

    3. I wish I'd had the courage to express my feelings.
    = Si seulement j'avais eu le courage d'exprimer plus ce que je ressentais, au lieu de tout garder à l'intérieur; La colère ou la fuite m'ont rongé.

    4. I wish I had stayed in touch with my friends.
    = Si seulement j'avais entretenu un peu plus mes amitiés.

    5. I wish that I had let myself be happier.
    Le bonheur est un choix : si seulement je m'étais autorisé ce choix, plus souvent.

  • Le talisman

    Pourquoi une préface ? Le post-scriptum d'un récent billet de l'ami Cachard m'a imposé à moi-même une réflexion sur ce mode, qui a ma préférence (et puis aussi, ça me donnait un sujet de billet, en ces temps de disette je vous assure, c'est pas du luxe). Pour l'instant, chaque livre, et il en sera ainsi du prochain (sortie en avril, attention, préparez-vous), est préfacé -voire préfacé doublement comme ce fut le cas du « Baiser. » Pourquoi ? qu'est-ce qui me pousse à aller solliciter mes amis mais aussi un auteur que je connais à peine (Jean-Pierre Andrevon) ou pas du tout (Daniel Arsand -personnellement veux-je dire, je connaissais les livres, et pour cause) pour qu'il se donne la peine de dire « quelque  chose » à propos de mes petits machins ? D'abord, justement, il faut distinguer ces deux types de demandes. En ce qui concerne les amis : Jean Mathieu avait eu assez d'enthousiasme pour le manuscrit du « Baiser... » pour me donner le courage d'oser le présenter à des éditeurs. D'une certaine manière, il était responsable en partie de la publication du livre. Quant à Jean-Marc Dublé, je lui devais carrément le sujet du Psychopompe. Pour ceux-là donc, les inviter entre les pages du livre était comme les inviter chez moi, les accueillir, leur faire partager un bon moment. Juste une histoire d'amitié, donc. Quant aux autres préfaciers, et notamment Daniel Arsand, il y a d'abord une logique de complicité : je cite plusieurs fois l'auteur du terrible « un certain mois d'avril à Adana », parce qu'il a habité Roanne et y revient, illustrant idéalement mon petit concept du jokari (lire « J'habitais Roanne » pour comprendre) et que ses propos font parfaitement écho au texte. Mais ça c'est : pourquoi cet auteur ? La vraie question est : pourquoi une préface ? Je pense que ça a à voir avec mon peu d'assurance, ma réticence à me considérer comme écrivain, malgré tout. Il me semble que le préfacier (quelqu'un que j'estime, dont j'apprécie le travail, la culture et le rapport à la littérature de façon générale) ajoute une couche à ma cuirasse, me donne de l'assurance, me dit : « Mais oui, allons, tu es bien un écrivain, tu peux présenter ce livre, ça vaut la peine, tu as mon assentiment. » Quelque chose de cet ordre. Un talisman.

  • Bilan carbone

    La ville est sillonnée par d'énormes 4x4, noirs et luisants comme des corbillards, conduits par de petites blondes, seules. Chacune ne doit pas peser plus de 50 kilos, sac à main et bijoux compris. Ça fait cher le transport, au kilo de pétasse.

  • N.

    Je ne l'avais vue que deux ou trois fois, beaucoup appréciée parce qu'elle était le symbole d'une exigence dans l'écriture, j'avais lu ses textes impeccables et inspirés. Mais je n'étais pas un proche. Quand un ami à elle (presque un parent tellement ils se connaissaient bien), nous a appris la mort de N. dans un mail laconique, hébété, assommé, j'étais sous le choc. J'ai appelé cet ami, redoutant les précisions qu'il allait me donner, et en effet : N. s'était suicidée. Submergé d'émotion, j'ai fondu en larmes incontrôlables, malheureux de cette démonstration, tandis qu'à l'autre bout du fil, un de ses amis les plus proches serrait les dents et affrontait sa douleur avec dignité.
    J'ai mal dormi ensuite, enfin encore plus mal que d'habitude je veux dire. Remuant les souvenirs de N., le peu de souvenirs que j'avais, le visage de N. souriant, N. lisant un texte, etc., mais surtout, mêlé à l'émotion que je ressentais, le sentiment que ma souffrance était illégitime. Que moi, qui l'avais si peu connue, je n'avais pas le droit de sembler plus accablé que ses amis intimes. Je voyais ma peine comme une indécence et m'insultais intérieurement d'une telle obscénité.
    J'ai longtemps hésité à me rendre aux funérailles, pour la même raison. Finalement, in extremis, j'ai décidé de m'y rendre, ma douce m'a accompagnée. Elle connaissait bien N. aussi. Nous sommes restés au fond pour ne pas être vus. Je n'ai pas pleuré, cette fois. Comme un qui a compris ce qu'est la vraie douleur.

  • Coule

    Il les cherche aussi, les parodies ! Tout seul devant un horizon maritime, dans une prémonition de la phase ultime du réchauffement climatique, avec une montée des eaux qui recouvre définitivement toute trace de vie. N'est-ce pas une fanfaronnade pathétique de se dire fort quand on est totalement submergé ?

  • Simple

    Si l'on s'en tenait à la simple logique, on devrait tirer toutes les conséquences du fait que, statistiquement, les voitures sont très majoritairement accidentées sur les routes, et on roulerait donc dans les champs, sur les trottoirs, parmi les forêts et les canyons, en toute sécurité.

  • Demain

    La Chine s'est éveillée. C'est fait. Mais attendez que les Chinois se réveillent !

  • Le vrai drame

    Roméo et Juliette, tu parles : des gamins ! Tu les imagines, trente ans plus tard, s'engueulant pour savoir dans quelle belle-famille passer Noël ! Les tragédies sont belles parce qu'elles interviennent avant le vrai désastre, qui est la banalité de la vie.

  • Crever la dalle

    Par chez moi, on fait la grève de la faim pour réclamer des parkings. Oui m'sieur ! Pas pour défendre  les droits de l'homme, alerter l'opinion publique sur le sort des SDF en hiver ou protester contre la maltraitance en milieu carcéral, pas pour s'indigner des condamnations à mort en Chine ou s'inquiéter de la centralisation des Caisses d'assurance ou du non-financement des dépenses de santé. Non : pour des parkings. Gandhi n'y avait pas pensé, Bobby Sands non plus. Ou peut-être auraient-ils trouvé ça absolument obscène. Va savoir.

  • Va, nu-pieds

    Militons un peu, voulez-vous ? Et pour une chose à peu près inutile, en tout cas bien vaine au regard des urgences de ce monde : la possibilité de marcher pieds nus dans les musées.
    Il nous arrive à tous d’avoir mal aux pieds après deux heures de marche et de piétinement dans les salles les plus réputées. Personnellement, je ne résiste pas à la délicieuse sensation de quitter mes chaussures pour ensuite visiter à mon aise, enfin réceptif à toutes les merveilles, ma paire de pompes dans le dos, tenue à la main. Mal m’en prend ! Aussitôt, une armée de gardiens, ou des conservateurs appelés à la rescousse, viennent m’intimer l’ordre de me rechausser. Avant d'obtempérer, je demande, au fond, quel est le problème. Personne n’ose dire « ça ne se fait pas », alors on évoque la sécurité : je pourrais, c’est vrai, lancer une chaussure sur une toile. Mais n’importe lequel des visiteurs peut le faire, et puis les sacs à main des dames alentour me paraissent tout aussi dangereux. Non, ça ne tient pas. Seule une espèce de bienséance oblige à se martyriser les pieds au musée. On ne peut même pas parler de sacralisation du lieu, car un geste insigne des lieux sacrés et de s’y déchausser. Une seule chose fait obstacle à cette pratique : le manque d'habitude, la marginalité. Je propose donc une campagne nationale de promenade nu-pieds dans les musées. On commence samedi prochain.

  • Rions un peu

    La lucidité n'aide pas tellement à être drôle. On est vite rattrapé par le cynisme et par l'ironie (« qui réduit tout » comme dit Arsand). Alors, on se souvient que l'humour est la politesse du désespoir, que la dérision permet de se placer au bon niveau, on se rappelle surtout que la vie est une farce, énorme, douloureuse, tragique, mais une farce. Et la drôlerie revient au galop, heureuse, serviable, rassurante. Tout cela finira dans une gigantesque explosion de rire, une fournaise comique, un embrasement d'hilarité. La damnation à ceux qui n'auront pas su rire de cette vaste blague.

  • Révolution

    Précipitons une goutte d'eau dans un vase plein. Le vase déborde. Mais assez peu en vérité, de la valeur de la goutte, ou un peu plus selon la grosseur de la goutte et la hauteur de laquelle elle est tombée. En fait, après le moment critique du débordement, on peut considérer que le vase est toujours à peu près plein. Non, non, pour bien faire, je vous le dis : renversons le vase carrément. Le principe vaut aussi pour la coupe qui, cette fois-ci, est pleine.