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Nouvelles/textes courts - Page 4

  • 3784

    Mes idées stupides :

    Entrer dans une réunion d'une candidate PS (à l'époque où il y avait un parti important de ce nom) et me présenter, pour rigoler, comme observateur dépêché par l'UMP (à l'époque où... etc.)

  • 3783

    Je parlerai de tout ça plus tard, une fois tout oublié. Pour mieux comprendre.

  • 3782

    A 20 heures, le personnel hospitalier. D'accord, mais pourquoi s'arrêter là ? Applaudissons tous nos héros : à 20h15, les routiers ; à 20h30, les éboueurs ; à 20h40, les enseignants ; à 20h55, les pompiers ; à 21h10, les agriculteurs... Vous l'avez bien cherché, aussi.

  • 3781

    Bon, on fouille les livres illisibles (en tout cas, prudemment laissés de côté) de notre bibliothèque et on tombe sur des curiosités. Extraits : "Le fils de Flaminius, en plein orgueil de sa folle jeunesse, souffre de ne plus pouvoir dissimuler aux yeux des gracieuses clientes, les manifestations probantes du feu intérieur dont il arde. Bien involontairement, son originelle impétuosité l'emporte souvent sur la modestie de son maintien, et l'ordonnance perpendiculaire, des plis de sa longue tunique en est fâcheusement modifiée." Ma douce n'avait pas compris la périphrase.

    Et : "Maman !!!! Pitié !!! Je suis la proie des flammes !!! Hercule !!! Tirez de moi, la tunique du centaure Nessus... Et autres paroles sans suites, communes aux nocturnes divagations." J'adore le "communes".

    Tout est de ce tonneau. Il s'agit d'un "roman gai" (de la gaieté de l'époque) comme le stipule la couverture de la toute première édition, d'un auteur inconnu, caché sous le pseudonyme (?) de Charles Clavières. Internet est muet sur le personnage. Après une première publication aux éditions de La Tour, le texte a été repris chez Denoël, dont nous avons la 10e édition (c'est dire le succès du livre), de 1938. L'auteur fait mine de s'inspirer d'une légende bretonne, d'un saint ayant existé et de documents qui l'attestent, fournis par un soi-disant archiviste : Evariste Blanc-Minet. Je vous le dis tout de suite : on est loin de la légende Saint-Germain L'Hospitalier. Tout est bizarre et laborieux dans ce livre : le projet, l'écriture chantournée, les péripéties, les patronymes, la fin...

    En fait, c'est somptueusement mauvais. Tellement, qu'on ne sait plus, après quelques pages, s'il n'y a pas un peu de génie là-dedans. Le titre, caché sous une couverture de papier kraft, de l'époque sûrement, avait de quoi piquer ma curiosité : "Cucurbitin le miraculeux". Oui. Le titre donne une idée de tout le projet et le lecteur, s'y fiant, ne peut pas être déçu.

  • A la manière de...

    Proust

    Nous fûmes interrompus (sans que Gilberte, qui nous représentait avec une savoureuse ironie les inquiétudes excessives de son père quant à son état de santé, ne s'en offusque, car elle ne tenait plus à poursuivre son discours, qu'un remords soudain, venu avec le souvenir de l'anxieuse inertie de ses frasques passées, lui faisait apparaître, avec toute la rigueur des Vanités, aussi illusoire qu'ennuyeux pour son auditoire) par la voix du Ministre de la Santé, que Mme Verdurin se vantait de connaître plus complètement que son propre mari, quoique pour des raisons différentes, qui (sans se soucier de la grossièreté de son irruption radiophonique) énonçait de son timbre uniforme, épuisé par les heures tragiques que le pays traversait, les dernières consignes élaborées dans son cabinet, dans lequel (nous étions depuis longtemps enseignés de ce fait, comme par un phénomène de capillarité dont nous aurions été les mèches et le milieu dans lequel nous baignions le combustible, ce qui nous dispensait d'échanger le moindre mot à ce sujet), M. Verdurin avait ses entrées.

     

    Et j'arrête là.

  • A la manière de...

    Pierre Michon

    Il n'existe aucun moyen, fût-il sommaire ou archaïque, de remédier à la sophistication du confinement. Des jours en cascade dans un déferlement continu, des heures indénombrables, éteintes à peine sont-elles respirées, et toujours l'harassante question : que faire de nos peaux, de nos regards, de nos feintises, de notre aplomb infondé, de nos ballets orthodoxes ? Nous conclurons de cette longue évasion dans nos propres guenilles que nous n'étions qu'un contournement dans la vie des meubles, qu'une errance de plus, aggravant le martyr des tapis suppliants. Spectres, frères humains ébranlés, ours abrutis dans leur périmètre éternel, nous étions pourtant davantage que des fantômes ou des bêtes, des gens de bien et de pensée qui croient encore en leur intelligence des chairs et des objets, et s'abandonnent parfois à la dérisoire envie d'en écrire quelque chose, se tiennent à cette stratégie de survivant qui conte ses gloires ou désastres passés et à venir, s'en réjouit pour ne pas céder au bon goût de s'en désoler.


    Demain : Marcel Proust.

  • A la manière de...

    Racine


    Arsace

    Allons loin de ce port, éviter le virus,
    Prendre soin de celle que tu aimes, Titus.


    Titus

    Hé quoi ! En un tel jour je manquerais de cœur ?


    Arsace

    La prudence n'est pas synonyme de peur
    Et je n'ai pour moi-même aucune lâcheté
    Mais Ysménée t'attend au bout de la jetée
    Et la savoir ainsi, patiente et éplorée,
    Espérant ta venue, quand tu veux l'ignorer,
    Semble une injure faite au genre tout entier.


    Titus

    Ah ! Puisqu'il faut te dire, je vais sur ce sentier
    Où le courroux des dieux me porte désormais.
    Je me livre au malheur que le covid commet,
    Inutile de fuir : je suis contaminé !
    Mon suaire est cousu dans les draps d'Ysménée.
    Comprends-tu, cher ami, combien ses grands cils noirs,
    Ses doux bras, m'interdisent de céder à l'espoir ?
    Et combien je ne puis, car c’est elle que j'aime,
    M'attendrir, m'élancer et m'en approcher, même ?
    Je dois la rejeter, pour qu'elle vive heureuse
    Et je dois accepter l'arrêt de la faucheuse.

     

     

    Demain : Pierre Michon

  • A la manière de...

    Annie Ernaux

    Mon père avait stocké tout ce qu'il fallait. Une liste de fin du monde. Tous les produits les moins chers, avec une idée d'économie, de toute façon, qu'il s'agisse de pandémie ou pas. Les rouleaux de papier encombraient le balatum d'un placard, à l'étage. Il y en a beaucoup, mais on y va doucement. Prudence coutumière, pingrerie par anticipation. J'étais préparée. C'était dans la logique des autres discours, quand mon père imaginait les plus aisés, vite fatigués d'une tâche, il énonçait des jugements de la même eau. Avec le jardin, en plus, j'arrête pas. Et alors ? Le covid-19, moi, je le fais en marchant. Etc. Rengaine qu'on n'écoutait plus.

     

     

    Demain : Jean Racine.

     

  • A la manière de...

    Gustave Flaubert

    Frédéric avait dix-sept ans, de souples cheveux clairs et la bonne allure guindée qu'aurait exigé sa mère, madame de Ripoix, si elle se fût trouvée à son côté, devant la pharmacie de Saint-Mandé, sur le trottoir désert de cet après-midi de mars, en l'an 2020. Comme il regardait par dessus son épaule, son masque bleu niellé de gris glissa en découvrant ses lèvres et sa moustache fine de vainqueur de bridge, car il était mondain. Mademoiselle Andrée allait courant du même côté de la rue, le pas rapide et cependant mou, ayant des chaussures de sport aux semelles de caoutchouc. Sa foulée de lionne en chasse avait décidé l'intérêt du jeune homme. Leurs regards se croisèrent.

     

    Demain : Annie Ernaux.

  • A la manière de...

    Céline

    On remarque qu’il n’y avait personne dans les rues, à cause du virus ; pas de voitures, rien. « Restons pas dehors, me dit Bourate. Rentrons ! » Et voilà qu'on pousse la porte d'une baraque au jugé, comme ça, sans prévenir à la cantonade qu'on était sûrement infectés. La famille dans le logis devine de suite, pas la peine de raconter d'histoires, avec nos binettes à moitié retranchées sous la toile du masque réglementaire. Et des cris ! Et la mère de toute la smala qui s'avance et me plante le manche de son balai sur la poitrine, « Qu'est-ce que c’est que ces anarchistes ? », qu'elle dit, la mère, en m'envoyant une salve de postillons sûrement pas plus clairs que mon haleine, « M'envoyez pas vos miasmes ! », que je lui réponds, comme ça, parce que j'ai de l'instruction, du tac au tac. Au flanc, Bourate s'interpose : « On est des services sociaux, qu'il aboie à travers son masque, montrez-moi votre frigidaire, perquisition ! »

     

    Demain : Flaubert.

  • A la manière de

    Récemment, un précieux ami m'adressait un florilège d'exercices où il s'était amusé à des pastiches littéraires sur notre actualité. Le résultat m'a assez amusé et intrigué pour me joindre à lui, et je vous propose, aujourd'hui et pendant quelques jours, de petits textes "à la manière de". On commence par Hugo, noblesse oblige.

    "Des abîmes où l'obscure terreur vit naître sa puissance, le virus couronné déploya ses prodiges. Il embrassa l'Asie, déposa sur l'innocente Afrique ses lèvres vénéneuses, submergea la Perse et l'Arabie, étendit ses noirs effarements sur les populations d'Europe et, contre l'Amérique, précipita sa sombre vague. Dieu voyait ce mal coucher les créatures, et lui-même pleura, à ce que dirent les anges."

     

    Demain : Céline.

  • 3773

    Les oiseaux ne se posent pas de questions : le monde se tait, ils chantent. C'est notre malédiction et aussi notre vertu humaine d'être incapables d'une telle innocence.

    Enfin, il y a pas mal d'humains qui chantent, en ce moment.

    Mais il savent aussi qu'ils devront déchanter.

    Est-ce que les oiseaux, entre deux trilles, ont la (rouge)gorge qui se noue en songeant que c’est une grâce éphémère ?

    Bon, alors chantons en attendant.

    « Fais co-meu l'oasô »...

  • 3772

    Dire que j'ai chassé Dudule, notre pangolin, alors que c’est la chauve-souris qui est responsable ! Sors de ce bureau, Miranda !

  • 3771

    La perte du goût, de l'odorat et de la vie, est un symptôme de mort.

  • 3770

    En ce moment, si le Web pouvait s'accorder au silence de nos rues...

    (et disant cela, je participe au bavardage, je sais bien).

  • 3769

    De retour des courses, ma douce me rapporte le constat étrange qu'elle a pu faire : dans le supermarché, pas de musique, les gens vont lentement, parlent doucement, sont extrêmement polis. Comme si l'apnée générale avait la vertu de nous faire reconsidérer l'efficience de nos activités, nos bruits, nos gesticulations d'antan, et révélait leur vanité. Tant d'effets inattendus qu'il faudrait commencer à les lister. Trop paresseux pour me charger de l'exercice, j'en appelle à la bonne volonté des autres confinés.

  • 3768

    Aucune analyse pertinente à disposition. Je m'étais promis de lire beaucoup ; j'écris un peu. Hors ces activités ou non-activités tournées vers ma petite personne, bien sûr, j'écoute, je lis, je m'informe. Cependant, la seule scrutation du quotidien est passionnante. On n'a pas tant d'occasions, sur une vie, de traverser un moment historique. Alors, me retenant d'en penser quelque chose, je me contente d'observer les grandeurs et petitesses. Je comptabilise plus de petitesses étonnantes que de grandeurs exemplaires, il faut bien le dire, mais peut-être est-ce que je ne regarde pas du bon côté... On peut estimer, avec tant d'autres, que cette crise transformera le monde (en bien, veut-on croire, l'alerte étant chaude). Je n'en suis pas si sûr. Dès que nous aurons repris nos habitudes d'avant, les mêmes biais produiront les mêmes effets.
    En fait, je lis dans les "journaux de confinement" qui fleurissent un peu partout sur le Net, l'opportunité, pour chacun, de simplement renforcer ses convictions, quelles qu'elles soient. Si un changement, ici, était perceptible, on pourrait imaginer une transformation à venir de la société. Cette inertie de réflexion, lestées par nos attendus, accable bien des élans optimistes.

  • 3767

    Besoin d'espace ?

    "D'Amprosy pendant dix jours, puis de Benter, abordé sans que rien ne distingue ce pays du précédent, les étendues sans limites vibraient et jouaient comme roule et s'étale l'océan sous le ciel. Les contours d'une montagne qui émergeait sur l'écran du ciel n'étaient pas modifiés par la progression de la marche, après plus d'une semaine. L'horizon intact s'associait aux étoiles ou à l'aube. Il était inatteignable. Les orages s'y acheminaient avec une mollesse d'obèses ; on les distinguait à la limite du perceptible, naître dans un lointain aux profondeurs de songe, s'amonceler en bleuissant, devenir masses et colonnes tandis que la cape du ciel jetait sa transparence sans accidents, sur le reste du monde. Là-bas, dans une parcelle exiguë du pays gagnée par l'obscurité, des régions entières fondaient sous l'écroulement noir des nuages, et les éclairs s'agitaient, muets, tonitruances étouffées par les immenses distances qui les séparaient de la caravane. Les voyageurs assistaient à ces cataclysmes avec la candeur tranquille du spectateur qui voit des massacres sur la scène, sans craindre d'être atteint. L'enfant inspirait l'espace dont l'air parcourait, en accélérant, les plats abîmes, il s'enivrait d'immensité."

     

    "Sans titre" roman en cours d'écriture.

  • 3766

    La crise due au coronavirus accable l'obsédé, avide d'attouchements : ses mains impuissantes, inutiles, battent l'air à la recherche de corps qui gardent leurs distances. Cette frustration provoque parfois, dans les cas extrêmes, panique, fièvre et gêne respiratoire, et par conséquent accueil aux urgences. Le procédé qui permet aux hôpitaux de rejeter ces sujets non contagieux est secret, mais on sait qu'il a causé plus de démissions d'infirmières que l'épuisement du personnel de soins dans les derniers jours.

  • 3765

    (On m'a dit que mon écriture était "ronde et douce", alors j'essaye de rester dans le ton... Comme vous pourrez le constater ci-dessous, c'est pas fameux, je crois que je vais revenir à ma férocité coutumière)

    Sur cette table, un bocal. Dans ce bocal, des graines de courge. De mon côté, je ferais ma part : enfoncer la graine dans la terre, arroser un peu. Bon. Qu'est-ce qui empêche un oiseau quelconque d'entrer, de voleter au dessus de la table, de s'emparer d'une de ces graines et d'aller la jeter dans le jardin ? Rien. On voit bien que ce n'est pas moi qui mets de la mauvaise volonté, mais la nature qui s'entête à me refuser son aide pour obtenir au moins l'amorce d'un potager. Et on me traite de feignant ? Ben merde alors !