Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

kronix - Page 174

  • Parler d'écrire

    Dans moins d'une heure, je serai assis devant une petite assemblée qui attendra de moi des réponses que je n'ai probablement pas. Comment vais-je m'en sortir ? Vous le saurez dans notre prochain épisode, intitulé : "Ouf" (ou "Argh" selon le bilan).

    A demain.

  • Répèt'

    Ah oui : Jérôme est passé voir les répétitions du "Rire du Limule", il en parle ici

  • Fan

    Je ne sais pas s'il était fatal que cela arrive mais c'est arrivé : j'ai reçu ma première lettre de fan. Elle le dit elle-même "je suis devenue fan de votre écriture". Précède et suit une série d'états plus ou moins exaltés, procurés par le livre. C'est un peu inquiétant, très excessif. Je préfère des retours plus argumentés, plus sereins (j'en ai de plus en plus, en ce moment, la presque totalité positifs).

    Je vais répondre à cette dame très gentille et si enthousiaste. Je vais surtout lui demander qu'elle cesse de raccourcir mon prénom en "Christ". Et oui.

  • Signature

    Aujourd'hui, pour ceux qui voudraient me rencontrer et me déclarer leur amour devant tous, je signe "Le Baiser..." au Marché du livre à Ambierle, toute la journée (j'ai lu dans la presse que j'étais même "invité d'honneur", rien que ça. On nage dans la dérision la plus aboutie). Ceux qui veulent me dire que je suis un gros con peuvent passer aussi, mais qu'ils soient discrets, alors.

    Autrement, je vous parlerai bientôt des répétitions pour la pièce "Le Rire du Limule". Elles ont commencé ce samedi,  et les acteurs, sous la direction fine fine de François, font des merveilles. J'en suis ébloui et profondément ému. On en reparle, donc.

  • Avec mes excuses

    Vous aurez peut-être remarqué que j'ai un peu rien écrit ces temps-ci, sur Kronix. Je vous néglige bien malgré moi, mais il faut faire des choix. Je mets la dernière main à mon dernier roman. Comme souvent, je suis allé jusqu'au bout, à la dernière phrase, et maintenant commence le travail de réécriture. Je reprends, relis beaucoup, j'enrichis le vocabulaire, je contrôle l'orthographe et la grammaire, j'affine la ponctuation, je m'assure que tout le récit soit fluide, compréhensible (ou s'il y a des zones d'ombre, elles sont voulues), j'ajoute des scènes éventuelles, j'en supprime d'autres. Après quoi, ma première lectrice, ma douce, va s'emparer de la première sortie imprimante de l'ensemble du mansucrit, plonger dedans, et me faire ses remarques. Là, je reprendrai tout, jusqu'à satisfaction.

    Ensuite.... Rien. En l'occurence, si, tout de même : le manuscrit sera confié à celui dont j'ai emprunté le sujet, un certain Jean-Marc, pour qu'il se régale, j'espère, à la lecture. Et puis, plus tard, nous verrons, peut-être un éditeur. Mais je crains que ce roman ne soit impubliable. Qu'importe, je me serai bien amusé. Quand tout sera achevé, il se sera écoulé un an entre le moment ou Jean-Marc m'a autorisé à utiliser son argument, et celui où je lui transmettrai sa copie. Nous serons en mars.

    Le mois de janvier s'annonce chargé. Quelques rendez-vous : je dédicace "le Baiser..." le 11 janvier, au marché du livre d'Ambierle (joli village classé dans la Loire), toute la journée. Le 14 janvier à 19  h 30, la Médiathèque de Roanne organise une rencontre autour de mon livre, en présence de l'éditeur, Jean-Pierre Huguet et de Jean-Patrick Péju, directeur de la collection "les Soeurs océanes", et avec Michèle Narvaez. Le comédien et metteur en scène François Podetti ponctuera la soirée avec la lecture d'extraits du livre. Je crois que ça peut être très agréable et intéressant, tout ça. Le 27 janvier, je rencontre des élèves de La Martinière, qui travaillent en ce moment sur mon livre. Expérience intimidante mais passionnante, dont je vous parlerai ici, bien entendu.

    A bientôt.

  • Inefficace et coûteux

    Je voulais réagir, et puis je suis tombé sur cet article. Tout est dit, je ne vais pas me fatiguer à dire moins bien comment notre omniprésident commence l'année sur une erreur, un effet d'annonce de plus, sans réel souci d'efficacité, sinon celui, politique, de la jubilation mauvaise des pauvres gars qui se disent : "bien fait". L'année commence bien.

    http://www.rue89.com/2009/01/02/voitures-brulees-brouir-ou-conduire-il-faut-choisir

  • Faute

    Ecoutez, je suis vraiment confus. Il faut essayer de me pardonner. Merci de votre indulgence. Voilà, j'ai grande honte à l'avouer, mais bon, il se trouve qu'hier, en feuilletant par hasard mon livre, j'ai trouvé une faute ! Beuââhh ! Une faute !  Zut, flûte, chose.

    Page 55 : Des divers offices (...) jaillirent un flot de blouses uniformes... Ce devrait être au singulier, n'est-ce-pas ? jaillit un flot de blouses... Je suis vraiment désolé. Comment cette erreur a-t-elle pu traverser le filtre de ma sourcilleuse écriture, le sens aigu du Français de mes lecteurs publics, naguère, l'examen pointu de mes correcteurs, l'attentive relecture de mes proches, c'est un mystère. Enfin, voilà, elle est là, bien là, fichée dans le papier comme une écharde, et j'en suis navré (au sens ancien de blessure de tournois).

    A retenir pour la prochaine édition, s'il y a. Autrement, le bouche à oreilles est excellent, et les ventes se poursuivent sans ralentir.

    (Et, je sais, il est bien tard pour un billet, d'habitude je poste vers 6 h 30, mais ce matin, ah, une vraie grasse matinée, nom d'une pipe.)

  • Spoiler, comme on dit

    Je profite d'une petite insomnie pour dévoiler ce qui, sans doute, contribue à ne pas me laisser dormir : l'échauffement des neurones dû à la germination d'une histoire. Tandis que mon dernier roman va progressivement vers son achèvement (j’en ai encore pour deux ou trois mois, à vue de nez), et qu’il m’apparaît de plus en plus comme absolument impubliable (de mon vivant en tout cas), j’entame la préparation du prochain. C’est toujours comme ça : il faut que j’enchaîne les projets. Souvent d’ailleurs, et à cause de ce fonctionnement, un roman est motivé par une réaction à l’univers que je viens de quitter. J’ai nombre de sujets dans mes tiroirs numériques, mais celui qui vient, dimanche dernier, de s’imposer, pourrait commencer avec une phrase de ce genre, écrite sur mon calepin de moleskine, après diverses notes sur le sujet :

    « Son indifférence au malheur des autres, considérée sous l’éclairage cru de sa lucidité, était telle qu’il lui arrivait d’en être sidéré. Pourtant, certains films, à force de violons et d’emphase, le menaient jusqu’aux larmes. Il avait résolu ce paradoxe maintes fois mesuré, par la conviction que les artifices de l’art avaient plus de métier –et donc étaient plus efficaces– que les artifices de la vie réelle, mais qu'ils constituaient les deux aspects d’une même pantomime, où des méchants s’acharnaient impunément sur des gentils, dont les souffrances étaient sans doute mimées, en tout cas jamais sincères. »

    Sur ce, je retourne poursuivre celui qui n'est pas fini. Il faut tout de même définir des priorités dans la vie.

  • Croisement

    Chaque matin, sur le chemin du travail, je croise cette dame, un peu ronde, cheveux courts souvent teintés de cuivre. Je quitte ma lecture et nous nous sourions sur un clair « bonjour ». Nous ne nous connaissons absolument pas, je ne sais pas où elle travaille et elle ne doit pas en savoir davantage sur moi. Depuis deux ans que j’effectue ce trajet quotidien, nous nous saluons ainsi, à peu près au même endroit. Est-elle persuadée comme moi que tout contact plus approfondi rendrait cet instant moins savoureux ?

  • Orage

    Je repêche cet extrait d’un texte écrit pour un jeune photographe prometteur. Ce texte accompagne une exposition en Pologne. Il a donc été traduit, et le commanditaire a promis de me le faire entendre dans cette langue, expérience dont je m’émeus par anticipation. La série de photos est inspirée du thème de l’orage. J’ai choisi cet extrait, parce qu’il n’est pas question –frontalement- de photographie :

    Bien sûr, il y a la puissance des bourrasques et la dureté pénétrante de l'eau, précipitée contre le sol depuis des abîmes qui frôlent les étoiles ; bien sûr il y a l'odeur de la terre abreuvée et les fourches éclatantes balancées d'un nuage à l'autre ; bien sûr il y a la spectaculaire démonstration de force de la nature. Mais l'orage, c'est aussi, c'est surtout, l'attente.

    Le jour qui prend la teinte de l'acier, la chaleur qui tombe sur les champs et pèse sur la poitrine comme une angoisse, l'amoncellement vertigineux des vapeurs blanches, grises puis noircies, l'amollissement des pensées qui se perdent vers des ailleurs, les visages qui s'immobilisent dans la méditation. Avant l'orage, il y a l'inquiétude mais aussi l'exaltation, celles des hommes rejetés aux temps des abris précaires et des dieux impitoyables. Il y a la peur primitive d'être vulnérable. Et cela dépasse l'émotion retournée sur soi : cette suspension des certitudes se propage dans les éléments du décor. Les arbres au feuillage soudain immobile, les animaux arrêtés, disparus, réfugiés, les enfants muets, les gestes fatigués, les fauteuils abandonnés, les volets entrouverts, les murs ombrés d'une patine étrange. La lumière change de visage, les visages jettent une lumière nouvelle, faite d'ombres. Le paysage se modifie, s'imbibe de cette angoisse de fin du monde. Tout fait bloc, s'éternise, les choses, les hommes, les animaux. La pression bâillonne le temps. Enfin, dans une vaste respiration, le ciel rugit.

    L'orage retourne le ventre du ciel, exhale l'âme de la terre, disperse les humains négligeables fondus dans la tourmente. Au-dessus des maisons, dans les maisons, l'œil, les regards, les arbres, la pluie, l'averse, le chœur mêlé des foudres et des femmes infimes, sur la plaine lourde de blé, le vent, les bourrasques terreuses, une griffe électrique écorche l'horizon, derrière la herse verticale de la pluie, rues et passants incertains se chevauchent. Le cœur explose, l'air se soulage, la vie crépite et hurle partout. Nous sommes au centre du temps, tout reprend sens, et l'homme est à l'écoute du pouls de la terre.

    Nous avons tous connu l'orage. Mais combien d'orages ? Pourtant, dès l'enfance, la pulsion est la même, l'attente angoissée est la même, la pleine aspiration des poumons délivrés est la même. Ainsi, jusqu'à la fin des temps, il y aura cette alliance brutale de l'homme avec le ciel, cet instant de l'orage où ils se rencontrent, ce creuset où fusionnent le sublime et l'intime.

  • Le baiser sur toutes les lèvres

    Elle est la première blogueuse à l'évoquer sur le net (et elle a fait l'effort de le commander, ce que je salue bien bas). Tinou parle de mon livre ici. En attendant sa critique.

  • Miracle à Noël

    Chaque année, à l’approche de Noël, le même miracle se reproduit. Dans la nuit, les nains de jardin se mettent à grandir, le rouge de leur bonnet déteint sur leur vêtement et ils quittent leur pelouse gelée pour grimper aux fenêtres et aux balcons où le matin les surprend et les fige. Je suis toujours très ému quand j’assiste au spectacle de ce prodige.

  • Confusion des genres

    C’est un agacement déjà ancien, mais dont les accès d’adrénaline qu’il a provoqués ne s’atténuent pas. La diffusion de cette vidéo, où Gérard Longuet se gausse de Xavier Darcos, ministre de l’éducation, ravive ma colère et mon incompréhension. Darcos était venu présenter en commission un projet (de loi ? Je ne saurais le dire) pour tenter de limiter le nombre des suicides d’adolescents (dont la France a le triste record après le Japon, rappelons-le), en agissant d’abord pour les plus fragiles d’entre eux : les jeunes homosexuels. Il s’agissait de débattre de la manière dont l’encadrement enseignant pouvait apprendre aux autres élèves à mieux accepter la différence, essayer de casser le phénomène de l’homophobie, courant chez nous, et meurtrier. Et Longuet de se gausser en interrogeant ses "valeurs" (en gros : il faudrait savoir ce que l’on veut : Comment combattre la pédophilie, si l’on défend l’homosexualité ?). Ce raisonnement est d’une imbécillité et d’une pauvreté d’analyse atterrantes, le signe aussi d’une confusion des genres dont seule une pédagogie volontaire sur plusieurs générations aura peut-être raison. Je rougis de devoir rappeler que les cas de pédophilie sont le fait majoritairement d’hommes hétérosexuels, souvent pères de famille ou grand-pères (le cas le plus répandu) et que sont en jeu, non pas des stratégies de séduction entre adultes d’un même sexe, mais un besoin radical de soumission de l’autre, à qui l’on peut accessoirement imposer le secret. Je ne nie pas qu’il peut exister des cas de pédophilie infligée par un adulte homosexuel (d’ailleurs, je n’en ai pas d’exemples), mais les déterminants ne sont pas liés spécifiquement à l’orientation sexuelle.

    Qu’on trouve ce genre de propos autour d’une tablée peu instruite ou au comptoir du café du coin, passons, mais qu’un membre de l’élite politique du pays, nourrisse encore cette confusion, me fout dans une colère…

  • La visiteuse du soir

    Nous étions couchés, quand la sonnette a été déclenchée. Il était minuit peut-être. A l’époque, ma compagne et moi redoutions les surprises désagréables que mon ex-femme pouvait encore nous réserver. Nous avons pensé à elle. Mais mon fils, plongé alors dans une partie de je ne sais quel jeu vidéo, est venu frapper à la porte de la chambre : « Papa, il y a une dame à la porte. » Une dame. Il aurait dit « maman ». Je vais voir. Sur le seuil, à la frontière de la nuit et de la lumière du couloir, je reconnais une des clochardes qui errent dans le quartier. « Je me suis cassé la cheville. Faut m’emmener à l’hôpital ». « Casser la cheville ? Vous êtes sûre ? Vous n’auriez pas pu marcher longtemps » « J’ai trop mal, j’ai trop mal ». Je la fais asseoir et lui propose d’enlever ses chaussures pour vérifier. La cheville est légèrement enflée en effet. « Bon, je vous emmène ». Je retourne voir ma chérie et lui explique en m’habillant que, soupir, je vais emmener la dame à l’hôpital. Aux urgences, quand je me pointe, soutenant la marche douloureuse de ma blessée, le service est calme. J’avise une infirmière, j’explique, elle regarde de loin la femme assise qui patiente, visage grimaçant. « Ah ouais d’accord », dit-elle. « Vous la connaissez ? » L’infirmière se contente d’opiner, les grandes douleurs sont muettes. Je répète en résumant : « Elle a la cheville vraiment enflée ». « Oui, oui. Je sais. Chaque jour, c’est un nouveau truc. On a l’habitude. »  Je repars vitres ouvertes et retourne me coucher. Je m’endors tardivement, pas vraiment certain de ce que je viens de vivre. Le lendemain, je revois notre visiteuse assise à une terrasse de café, un plâtre jusqu’au genou. Je lui demande comment ça va. Son regard paumé me fixe, mais se perd. Elle ne me reconnaît pas. Je m’éloigne. Les bonnes actions sont gratuites, me répété-je.

  • Aumône

    « Vous êtes en voiture, monsieur ? »

    Il est petit, tassé par la vie, barbu blanc, édenté, ridé et vieux comme une souche patinée, centenaire comme sont les clochards après 10 ans passés dehors. D’habitude, il pue abominablement, mais ce soir, c’est supportable. Je lui dis oui, je suis en voiture, il me demande si je peux le ramener chez lui. Il habite dans mon quartier. Ma douce n’est pas encore sortie, mais je sais qu’elle sera d’accord. Et vos affaires ? La barbe blanc gris jaune écrabouille une vingtaine de mots en cinq secondes pour me désigner l’endroit où est son carton, derrière un mur. Je vais le chercher. « C’est trop lourd » il me dit, avec un air désolé de qui n’a plus la force. Je soulève le carton. J’éclate de rire : « Mais qu’est-ce que vous avez mis dedans ? Ca pèse une tonne ! », à croire que mon vieux clodo fourre des haltères au fond du carton. L’emballage est couvert d’une sorte de blouson. Je réalise dans une respiration, que l’odeur terrible qui suffoque habituellement, quand il arrive qu’on le croise, vient notamment de ce blouson que, pour maintenir le carton, j’ai élevé juste au niveau de mon menton. En apnée, je reviens vers la voiture, accompagné par le vieux. Ma douce est là, elle comprend de suite la situation et, comme j’en étais sûr, sourit de bon cœur. Nous l’accompagnons donc, vitres ouvertes sur l’air de la nuit, que nous aspirons à goulées avides tandis que, sur la banquette arrière, notre hôte débite une logorrhée névrotique, obsessionnelle, incompréhensible. Quelques minutes plus tard, nous voici à bon port. Je reprends le carton tandis que le vieux descend. Il voudrait nous inviter à manger. Nous déclinons l’offre. Il veut me payer pour le déplacement. Je proteste. Il insiste, met la main à la poche et déclare soudain : « Je vais vous donner un secret. Attention, c’est de la valeur. » « Non, non, pas question, surtout si ça a de la valeur, gardez votre… » et là, il me fourre une pièce dans la main. Je regarde, déjà confus de ma faiblesse. C’est une pièce étrange, dorée, assez large. Dans la pénombre, je comprends qu’il ne s’agit pas d’une pièce courante. «Reprenez ça », il ne veut pas, est déjà cinq mètres plus loin « C’est de la valeur, c’est de la valeur », il répète. Il revient à son idée première : « Faudra que je vous invite, pour vous remercier », et puis il pousse son carton dans l’ouverture de la porte cochère où il demeure, et disparaît.

    Dans la voiture, puis à la maison, nous regardons son cadeau. Une pièce que je ne peux que supposer chinoise. D’où vient-elle, comment lui est-elle parvenue ? J’imagine que pour lui, c’est effectivement une sorte de trésor. La prochaine fois, à condition qu’il soit assez « clair » pour ça, il faut absolument que je le lui demande.

  • Injuried

    Marche plus vite, connard !

    L’invective est lancée depuis la vitre ouverte d’une voiture qui passe. J’ai le temps de lever le regard et de découvrir un joli minois de jeune femme, hilare, à l’unisson des autres passagers dont je devine la présence à l’arrière, sous la forme d’épaules et de têtes sombres qui tressautent. C’était purement gratuit et inoffensif, bien sûr, et pas dirigé spécialement contre ma petite personne. J’ai pourtant ressenti la brûlure de l’humiliation, quoique brièvement, et j’essaie de me raisonner. Ce n’est rien, c’est idiot, un truc de gamins. N’empêche. Je me demande ce que j’ai fait pour provoquer cette insulte. Et puis je repense au livre (« l’Amant des morts », Mathieu Riboulet, couverture orange) que je tiens en main. « Connard » ? Ben oui. Je ne pouvais être qu’un de ces intellectuels, un peu pédé sûrement, un peu marginal, jamais satisfait de rien, un de ceux qui se prennent la tête sur des machineries inutiles, imbus d’eux-mêmes, un de ces intellos qu’on moque à la récré, qu’on évite dans les soirées, à qui on passe la bite au cirage à l’armée. J’ai poursuivi mon chemin en serrant le livre plus fort contre moi.

     

    (à propos du titre : ne vous inquiétez pas, je sais que "injuried" ne signifie pas "injurié", mais je suis sûr que vous aurez compris)

  • La beauté du regard

    De temps à autre, je passe sur le blog de Jean-Pierre Pyat, histoire de côtoyer un temps la beauté des choses. Si vous avez deux minutes, et envie de sourire à la vie, je vous conseille d'y aller faire un tour :

    http://finirenbeaute.over-blog.com/

  • Théorisibles

    J’adore théoriser pour rien, manipuler des concepts ridicules et les mener au bout, à partir de petites réflexions du quotidien. Un art de la théorie du minuscule. Par exemple : Pourquoi est-ce que, quand il s’agit d’ouvrir porte ou portière avec une clé, on met toujours –d’abord- la main dans la mauvaise poche (souvent la droite, tandis que le trousseau est à gauche) ? Permettez-moi d’exposer ma théorie : La main droite étant celle de l’action (pour moi qui suis droitier, entendons-nous. Pour les gauchers, vous n’avez qu’à inverser), j’ouvre une porte, clé en main droite. La gauche étant celle du passif, de l’effacement et du retrait, quand la porte est ouverte, la droite lui confie automatiquement la clé devenue inutile. Et la main gauche range la clé dans la poche qui se trouve de son côté. Lorsque je reviens à cette porte pour la refermer, ma main droite se dirige naturellement vers la poche droite et, fatalement, ne trouve pas la clé. CQFD.

    Autre exemple : un bouton au milieu du dos ne peut être très bien gratté que par un tiers, et un tiers forcément amical. Je postule que l’incapacité humaine à se gratter dans le dos, est un facteur essentiel du grégarisme atavique du genre humain, et la source des premières manifestations d’alliance. Je placerais d’ailleurs ce tournant marquant à l’époque où Australopithecus se baladait dans la savane, commençait à se dresser sur ses deux pattes arrière. La station verticale lui procurant l’avantage de voir plus loin et d’être prêt à courir en cas de danger. Vous avez bien lu : la savane. Et quelle est la particularité de la savane ? La quasi absence d’arbres (souvent occupés d’ailleurs par les grands prédateurs). Résultat : impossible de se gratter le dos contre un tronc, d’où la nécessité de faire appel à un congénère. Voici l’humanité en marche, la société en germe, le noyau familial naissant.

    J’ai adressé un dossier synthétisant cette brillante théorie à Yves Coppens qui n’a pas répondu pour l’instant.

  • Pression sur la presse suite

    Encore et toujours, chaque jour, des dénis de démocratie :

    http://www.rue89.com/2008/12/17/lyon-pas-de-photos-maintenant-cest-comme-ca

  • Dans la lumière

    Un conte, écrit pour l'illustrateur Franck Perrot, parmi d'autres, mais dont il n'a pas voulu. Les descriptions étaient redondantes par rapport au travail qu'il pouvait accomplir. Ce sont des choses qui arrievnt. Absolument pas problématqiue, puisque cet artiste exceptionnel travaille déjà sur deux autres de mes contes (dont un bien avancé, magnifique). Je vous livre ici l'un de ceux dont il n'a pas voulu. La difficulté est de décrire poétiquement des sensations picturales avec un langage limité.

    Papy, avant de partir, tu m'as dit d'être patiente. Parce que je m'énerve souvent quand je n'arrive pas à faire ce que je veux. Tu me disais que la patience s'apprend. Je n'ai pas écouté tout de suite, mais maintenant que tu es parti, je me souviens. Tu me disais : « Il y a un bon moyen pour apprendre la patience. » Alors, tu m'as parlé de la lumière. Tout le temps, quand je commençais à m'énerver, tu disais : « Regarde la lumière ! » Maintenant, je regarde. Je vais te raconter, Papy, comme je regarde bien, et tu verras comme je suis patiente.

    D'abord la nuit, (parce qu'il y a quand même de la lumière la nuit !). Je suis assez grande pour ne pas demander de loupiote dans ma chambre. Surtout, je sais qu'il vaut mieux être dans le noir, pour regarder les lumières qui passent. Il y a la lumière jaune sous la porte, coupée de temps en temps par les pas de maman. Il y a les phares des voitures à travers les persiennes. Cela fait des rayures au plafond, petites d'abord et qui s'allongent loin, s'ouvrent comme des éventails avant de s'éteindre.

    Le matin en hiver, il n'y a presque pas de lumière. Mais tu m'as dit de regarder quand même. Le soleil est endormi sous de grands nuages gris qui occupent le ciel. Partout, c'est de la lumière pâle, c'est de la lumière qui a froid. Et les gens sont comme elle, tout pâles. Tellement pâles, que le brouillard, parfois, les fait disparaître.

    J'ai été très patiente, tu peux être fier de moi. J'ai attendu le printemps pour regarder sa lumière. Quand maman m'a dit : « C'est le printemps », je le savais déjà. Dehors, tout devient clair comme l'eau des ruisseaux, et les oiseaux montent très haut. Le soleil est tellement gai que tous ceux qui volent s'en vont chanter avec lui.

    Si tu avais été là, l'autre soir... Tu aurais regardé la lumière avec moi. Il y a eu un orage vraiment fort, avec des éclairs qui me faisaient mal au cœur et tellement de pluie que les rues avaient l'air liquide. Quand l'orage s'est arrêté, papa et maman m'ont laissé sortir. Le ciel était sombre derrière la maison, une couleur comme la nuit, mais plus bleue... je ne sais pas dire. Et d'un coup, de l'autre côté, le soleil a ouvert le ciel, il a éclairé de jaune toute la maison. Si tu avais vu comme c'était beau ! J'ai beaucoup pensé à toi, hier, Papy.

    L'été. Qu'est-ce que tu disais sur la lumière en été ? Ah oui, tu la trouvais bête, la lumière de l'été, tu disais : « C'est une lumière bête, elle est trop forte, elle écrase tout ». Moi, je l'aime bien. J'ai été patiente, j'ai regardé comme tu m'as appris. Et j'ai trouvé à quel moment la lumière est belle en été. Tu serais d'accord avec moi. Il y a plein de moments de belle lumière, dans cette saison. D'abord, quand l'arbre dessine des taches qui bougent sur la table du jardin. Ensuite quand le jour entre dans la maison pendant la sieste, et que les rideaux essaient de l'adoucir. Aussi quand le chat joue avec une libellule, dans un rayon de soleil.

    Et puis maintenant il y a l'automne, ta saison préférée. J'ai bien regardé, Papy. J'ai bien regardé pour savoir pourquoi tu préférais la lumière de l'automne. J'ai regardé pendant toute la saison, patiemment, comme tu voulais. J'ai vu des matins avec un soleil petit et rouge, tellement loin au dessus des toits. J'ai vu d'autres matins avec juste un brin de lumière peureuse au dessus du fleuve, et des petites fumées de brume qui s'enroulent à la surface des prés. J'ai vu des rayons de vapeur à travers les arbres nus, plantés sur des chemins dorés de feuilles mortes. J'ai regardé le jour qui dormait à peine au dessus de l'horizon. J'ai vu des nuages blancs glisser à toute vitesse sous d'autres nuages, gras et gris. J'ai vu le soleil aussi pâle que la lune, dans le même ciel. J'ai regardé la ville, recouverte d'un drap gris. J'ai vu des soirs, le soleil disparu sous la terre, allumer encore le ventre des nuages et le dos des collines. Maintenant je sais pourquoi, de toutes les lumières de toutes les saisons, c'était la lumière de l'automne que tu préférais. C'est parce qu'elle change tout le temps.

    Maman dit que cela fait un an que tu es parti. Et la lumière était très belle sur son visage quand elle m'a dit ça avec un drôle de sourire. Je l'ai vue, la lumière sur son visage, je l'ai vue grâce à toi, parce que maintenant, j'ai appris la patience.