Ce qui m'émerveille depuis disons une bonne vingtaine d'années (je lance ce chiffre, il a ses raisons, mais trop longues ici à détailler), c'est la bienveillance des gens que j'ai rencontrés. Leur gentillesse à mon égard, leur générosité et leur faculté à pardonner mes petitesses et mes duretés. Tout cet amour m'a rendu meilleur, je l'espère, je le crois. En cela, il y a un peu de moi dans l'Ernest de mon dernier roman. On s'évertue aussi par la grâce de la douceur versée par les autres, sur nos têtes bénies. Élevés par une telle offrande, le moins que l'on puisse faire, c'est d'en redistribuer à son tour. Dans « Tree of Life », Malick montre un dinosaure qui renonce à dévorer sa proie et s'éloigne. Peut-être esquisse-t-il cette idée, que la douceur des caresses est née loin dans des temps immémoriaux, mais que son héritage se transmet depuis et se poursuit, jusqu'à la fin des temps. Comme des milliards d'autres, me voici un passeur de cette compassion héréditaire. Elle équilibre la cruauté du monde. Il ne faut pas négliger la force de notre bienveillance.
rencontres avec des gens biens - Page 29
-
Avantage à l'amour.
-
A ce titre...
Discussion avec Daniel Arsand, l'autre jour, sur une terrasse ensoleillée. J'évoque ma difficulté à trouver un titre pour ma dernière production. Ma douce et moi étions arrivés à « Le Musée des âmes vides ». Daniel fait la moue, le titre ne l'emballe pas. Démodé, dit-il. Depuis le début de ce chantier, en 2009, les options se sont succédé sans rien apporter de probant. A chaque fois, je sais, foncièrement que ce n'est pas tout-à-fait ça. Trop long, trop compliqué, pas assez poétique, trop évident, dissonant... Un vrai cauchemar. Encore aujourd'hui, il me semble avoir trouvé enfin le bon titre, mais le doute déjà s'immisce. Daniel me raconte une expérience similaire, où le titre de son roman fut décidé la veille de la rencontre avec les commerciaux de la maison d'édition, en deux minutes. Je veux bien d'une telle grâce. En fait, nous relevons tous deux un effet maintes fois constaté : soit le titre apparaît comme une évidence immédiatement, avant même que la première ligne soit écrite, soit on ne l'a pas tout de suite, et c'est parti pour des mois de galère. Des années en l'occurrence, pour ce roman que j'apprivoise maintenant pleinement, dont je connais les tenants et aboutissants, dont je saisis toute l'architecture et les détails. Là, il serait temps de le trouver, ce titre. Nom de nom.
-
Le point d'accueil
Toujours, quand je viens de finir un roman, j'attaque le suivant. Cela n'a rien d'extraordinaire : j'écris souvent un livre par réaction au précédent. Ainsi, le fil de l'écriture ne se rompt pas. Il ne s'agit pas d'une règle, mais d'un fonctionnement qui ne m'a été rendu perceptible que par sa récurrence. Le roman que je viens d'achever est historique, long, extrêmement structuré et ouvragé. Esthétisant, en somme. Celui que je vais commencer aujourd'hui, sera actuel, court, sec, âpre. Je promets de ne pas y intégrer de scènes violentes et contrairement au précédent, je sais de quoi il parle.
Cependant, une amie artiste m'a proposé avant-hier un petit exercice de style sur un thème qui peut recouper celui que je vais explorer dans ce nouvel opus. Pour elle, il s'agit de faire écho à un travail entamé expressément pour une médiathèque. Pour moi, c'est l'occasion de travailler cette forme d'écriture que je veux utiliser maintenant. Commandé un an plus tôt, un tel texte aurait été de la veine chatoyante du « Musée des âmes vides » (voilà, je l'ai dit, c'est le titre de mon roman « historique »). La proposition de cette artiste intervenant aujourd'hui, il en résultera une forme courte, au scalpel. Il se trouve que c'est exactement le genre de texte qui convient à son travail. La vie apprend chaque jour que tous les éléments s'imbriquent constamment. Il suffit d'être à l'écoute de ce que j'appellerai son « point d'accueil ». Là où nous accueillons les autres avec facilité, parce que la porte n'est plus verrouillée. -
Mouillé
A-t-on bien considéré ce qu'il y avait de mou dans le pseudonyme de M. Poquelin ? Molière... une mollière est une étendue de sable et de vase, vaguement marécageuse, dans quoi le pied se prend et que le chasseur sobre évite. On peut mesurer dans ce choix d'un nom qui l'accompagna sa vie entière, le peu d'estime que l'auteur de théâtre avait pour sa propre personne et comprendre ainsi qu'il vienne sécher son humilité aux feux du Roi Soleil.
-
Aux prises avec l'Histoire
Tandis que je mets la dernière main à mon roman « historique » (la fin d'un chantier d'écriture est toujours longue, c'est parfois un long accouchement alors qu'on croit que tout est terminé), je pense à l'ami Cachard, qui est en pleine écriture et plongé dans les affres que j'ai connues : comment faire une histoire avec de l'Histoire ? Comment ne pas paraître distribuer des notices documentaires sur un costume ou un moyen de locomotion ? Comment vous faire voyager dans le temps, chers lecteurs, comme s'il s'agissait d'une aptitude tout à fait commune ? J'ai tenté ma solution ; j'attends avec impatience de découvrir celle d'un autre écrivain et néanmoins ami. Je pense à lui. Voilà.
Hier, au restaurant, ma douce et moi avons travaillé sur ce titre qui nous a tellement donné de fil à retordre. Nous avons trouvé. J'attends un peu que des choses se dessinent sur ce livre, et puis vous saurez.
-
En attendant la fin
Je suis en train de finir mon dernier roman. Encore quelques pages, un chapitre, sans doute un épilogue, et voilà. La première version sera bouclée dans quelques jours. Ensuite, les retours de mes premiers lecteurs-tests m'aideront à reprendre des passages, en sacrifier certains, tenter d'améliorer l'ensemble. Quand je parviens ainsi à l'échéance, je reprends ma note d'intention initiale. Ici, je redécouvre que le chantier a débuté en janvier 2009. Bien sûr, il y a eu la coupure d'un an et demi de « J'habitais Roanne », des scenarii de BD, l'écriture des « chants plaintifs », et de deux pièces de théâtre pendant ce laps. Je n'ai pas chômé, mais la distance est grande entre ce qui a motivé le projet et les sentiments qui président à sa conclusion. J'ai changé, moi aussi, probablement. L'idée clairement établie dans ma note d'intention s'est modifiée. Les personnages ont bougé. Aujourd'hui que le texte trouve son terme, je ne sais toujours pas de quoi parle ce roman. L'une des missions de mes premiers lecteurs va être de m'en donner une idée. Les pauvres. Et de trouver un titre. Assez logiquement, aucun ne me convient.
-
La délicatesse
Dans J'habitais Roanne, il y a un passage où je dis, des mains de mon père : « De la corne s'y amassait dans le frottement des manches d'outil ; elles restaient fragiles pourtant. Au contact de la terre mouillée, dans le refouillement constant des sols et l'essartage des broussailles, dans la lutte incessante de ces temps où la nature était considérée comme devant être soumise au génie humain, ses paumes se fendaient, la peau des articulations éclatait, le jus noir de l'humus y entrait, l'acide des fumures y faisait des ravages. Les lourdes mains prenaient l'aspect de la pierre en hiver, du bois creusé par le temps. »
Hier soir, Béa, une amie, photographe amateur, est passée nous voir. Elle m'a offert une photo en noir et blanc. Un très gros plan des mains de son père, disparu. Des mains également scarifiées par le jardinage obstiné. Des mains rugueuses aux ongles éclatés par l'hostilité des sols. Ces mains que mon récit lui a rappelées. C'est un des cadeaux les plus touchants qu'on m'ait faits, et le retour le plus émouvant que j'ai eu de mon livre. -
Bad
L'autre jour, au bureau, le téléphone sonne (ce qui lui arrive de temps en temps, assez naturellement). C'était une erreur. On m'appelle « Monsieur Garnier ? » et va savoir pourquoi, je réponds : « Oui ». Alors le type se lance dans une explication sur un rendez-vous important qu'il veut absolument obtenir de moi (enfin, de ce monsieur Garnier qu'il croit tenir au bout du fil). Je ne le détrompe pas, j'acquiesce à tout. Mon interlocuteur est ravi. Nous prenons rendez-vous, quelque part dans la région de Lyon, non loin du bureau où est censé travailler Monsieur Garnier. Mon inconnu vient de Bordeaux, s'assure des horaires tandis que nous bavardons. Ce sera un long trajet pour lui, mais c'est tellement important, je sens que Monsieur Garnier peut décider de l'avenir de mon infortuné interlocuteur. Il me remercie du fond du coeur. Je lui dis cruellement : « à mardi, soyez à l'heure », il dit oui oui bien sûr, faites-moi confiance et raccroche sur un ultime remerciement mêlé de crainte.
Et voilà, si vous avez cru une seconde que j'étais capable de faire une blague comme ça, c'est que vous me connaissez mal. N'empêche, on l'a faite à un ancien collègue que j'aimais bien, et il a eu le bon goût d'en rire énormément. Après une demi-journée de train, arrivé à destination mais ne trouvant personne, il a fini par appeler son « monsieur Garnier » à lui, en faisant cette-fois le bon numéro et a découvert un type tout étonné, niant absolument avoir pris ce rendez-vous et se proposant, puisqu'il avait fait le déplacement, de se voir malgré tout. Quel numéro avait-il fait, sur quel délicieux enfoiré mon collègue était-il tombé ? On est partagé entre l'hommage et l'opprobre. Disons que j'adorerais avoir l'à-propos de faire une blague comme ça, mais que j'en aurais de tels remords qu'ils m'empêcheraient longtemps de dormir.
-
Monologue en humanité
Cet après-midi, tandis que Laurent Cachard vous recevra à la librairie Gibert Joseph - Carré de Soie pour célébrer entre autres son prix du deuxième roman, je serai cour d'honneur Jean Puy, à Roanne, dans le cadre de la manifestation « Dialogues en humanité » (d'après une initiative humaniste lyonnaise à l'origine) pour signer les derniers exemplaires de « J'habitais Roanne » encore disponibles.
-
Hurraman scriptu *
Le court séjour parisien qui m'a éloigné de ma douce pendant deux jours s'est bien passé. En compagnie d'un ami, je suis allé fouiller dans les archives de la cinémathèque de Paris et j'ai trouvé la manne dont j'avais besoin pour conclure mon dernier livre. Des surprises ont surgi, certains personnages que je n'attendais pas là. Des précisions que j'espérais sont apparues (merci François). En bonus, quelques visites (nous sommes à Paris, hein) : Gerhard Richter, Tim Burton, les collections permanentes de Beaubourg. Rien de plus, j'avais peu de temps. A présent, je vais laisser ces trouvailles de côté, me plonger dans les quelque 30 pages qui séparent l'intrigue en cours de ce dénouement documenté, prendre à cette fin plusieurs jours de congés (je vous dis tout), et, je l'espère, boucler ce livre à la fin du mois de juillet. Je suis un peu en retard, les week-ends sont chronophages avec les séances de signatures de « J'habitais Roanne » et les soirées conviviales (mais comment y renoncer ?). Ensuite. Ensuite ? l'éditeur qui a « flashé » sur mon roman de SF m'a recontacté, nous cherchons une plage horaire pour nous rencontrer. Je pense que j'aurai du travail pour au moins tout le mois d'août, peut-être encore un peu en septembre. Bon signe : il me parle contrat. Vu son enthousiasme, je crois que ça va être une expérience éditoriale formidable. Soyez heureux pour moi.
* Titre mystérieux pris à Jean-Luc Lavrille (Hurraman scriptu, aux éditions Tarabuste), que j'en profite pour saluer.
-
Le nez dans les archives
Demain, je me rends avec l'ami François à la Cinémathèque de Paris. Mais Peeeuuurquoidon ? Pour trouver dans les archives les petits détails vrais qui donneront la matière du dernier chapitre de mon prochain roman qui ne sera jamais édité, et oui. Et peurquoâ je me donne tant de mal ? Pasque j'en sais rien du tout. Sauf que si : j'ai envie de savoir comment Abel Gance a tourné sa fameuse scène du film « J'accuse » (version 1918), quand un soldat se lève et appelle les morts à empêcher les vivants de refaire la guerre. C'est une problématique assez pointue, je l'admets, mais elle va me permettre de boucler en beauté ce foutu roman qui me rive au clavier depuis trois ans.
Et si vous ne connaissez pas Abel Gance, ses films, et notamment ses deux versions de "J'accuse" et bien, croisez les doigts pour que mon bouquin trouve un éditeur parce que là, je vous dirai tout.
-
Signes de piste
En piste pour de nouvelles signatures.
Sûrement pas si nombreuses que dans les rendez-vous précédents (non pas que le libraire ait le moins du monde démérité, mais que je ne serai plus là en terre conquise), mais un moment très agréable pour moi. Cela se passe ce matin à partir de 9 heures, au Carnet à Spirales, à Charlieu. Dans les rues piétonnes, en face de la boulangerie. Vous achetez du bon pain pour midi et hop, vous passez me voir, s'il fait beau, je serai dehors.
-
On achève bien les histoires
J'écris une scène de rupture. Le téléphone sonne. Un vieux pote m'annonce qu'il s'est séparé de sa copine. Je l'écoute. Il explique, il raconte, demande qu'on l'aide (pas lui : elle). Et moi sans relire je pense à mes dernières lignes, qui racontent le même enjeu, décrivent les mêmes rapports. Qu'est-ce qu'on fait avec la littérature, qu'est-ce qu'on raconte d'autre que la vie ? Alors, oui, je rejoins Céline là-dessus, à quoi bon raconter des histoires que la vie nous fournit déjà, à chaque minute ? La littérature, c'est prendre ce matériau et en faire une étincelle métissée de pensée et de chair. C'est en faire autre chose, un météore inconnu, une paroi, un vertige, ne pas dire l'histoire mais l'éclat et l'ombre de l'histoire.
-
Esprits libres
Cela fait plus d'un an que leurs voix auscultent avec acuité l'actualité roannaise. Je ne connais personne de la revue Libresprits, même si je me doute de l'identité qui se cache derrière certain pseudonyme. En tout cas, c'est toujours exigeant, toujours suave, subtil, toujours bien écrit. La précieuse "lettre d'outre ville" a eu la gentillesse de témoigner de l'arrivée en librairie de mon nouvel opus. Libresprits le fait, comme toujours, avec beaucoup d'intelligence et de malice. Merci aux esprits libres du Roannais. Il y en a, beaucoup finalement, c'est ce que je tente de démontrer aussi dans mon livre, et je m'aperçois que ce qui ressortait de ma petite analyse se vérifie aujourd'hui, sur le terrain démocratique. C'est une bonne nouvelle.
Lien permanent Catégories : actu, Ecrire, Livres, Matières à penser, rencontres avec des gens biens 0 commentaire -
Tellement petit
Beaucoup de retours très émouvants des premiers lecteurs roannais de « J'habitais Roanne ». Le livre est en vente depuis une dizaine de jours maintenant et déjà des personnes sont venues me voir en dédicace, le livre en main, me remerciant, touchées par tel ou tel passage sur un aspect de la ville qu'elles ont connue. C'était prévisible, mais c'est plus troublant que je pensais : comme si j'avais saisi quelque chose de leur intimité pour la délivrer au grand jour. Une appropriation très forte donc. Celle que j'espérais. Bien sûr, plus tard, les historiens vont entrer dans la danse, ausculteront mon travail et auront des reproches à faire, je n'en doute pas. Je ne peux que promettre d'avoir fait de mon mieux. Me parviennent aussi nombre de courriels, témoignant de lectures en cours ou finies, toutes positives, touchantes, remuantes même. Enfin des lettres. Et notamment une, d'une vieille connaissance. Un écrivain qui eut à ce titre son heure de gloire, qu'il s'amuse à ne pas prendre au sérieux parce que, dit-il, édité par Horvath (un éditeur local de l'époque), son livre à succès aurait péniblement fait mille exemplaires. Mais il a eu la chance d'être repéré par de grands médias parisiens et les ventes ont décollé. Cet auteur, c'est Paul Perrève, et son livre à succès c'est « La Burle ». Des dizaines et des dizaines de milliers d'exemplaires, des rééditions, des versions en langue étrangère, audio, etc. en ont fait l'auteur roannais par excellence. Ceux qui l'ont découvert dans « J'habitais Roanne » ne connaîtront qu'une infime partie de l'étendue de ses talents. Accompagnant la délicieuse lettre de ce « vieil ami », une photocopie de coupure de journal. Il s'agit d'un article du journal le Progrès, peut-être daté de 1972 ou 1973, relatant une réunion de la Société préhistorique de la Loire. A travers le grain de la trame on distingue une série de visages, que Perrève m'aide à identifier de son écriture manuscrite, en légende. La plupart des noms sont suivis d'une croix qui signifie qu'ils sont morts. Presque au centre du groupe, il y a un visage tout blanc, couronné d'une coupe au bol noire : bon sang, c'est moi ! On dirait un tout petit petit garçon. On est si bébé à 12-13 ans ? Tout autour, des messieurs sérieux, une dame (Madeleine, la femme de Paul) et derrière moi, mon père, qui m'a pris sur les genoux, tellement je suis petit, pour que je puisse voir les diapositives de je ne sais quel site récemment fouillé, j'imagine. C'est cette petite créature qui écrivait ses premiers « romans », produisait à jet continu des BD d'aventures, fouillait, connaissait par coeur les animaux préhistoriques et les noms des planètes de notre système, avait décidé d'être végétarien (au collège seulement) ? C'est lui ? C'est moi ? Il m'est étranger. Qui était-il, qui était moi ?
-
Catherine Chanteloube à Riorges
Il paraît que certains sont entrés en parlant haut, sans la moindre gêne. J'ignore comment c'est possible. Dès le seuil de l'exposition de Catherine Chanteloube au Château de Beaulieu, à Riorges, la beauté et la sérénité vous cueillent, elles vous imposent le silence qu'on doit au sacré. Le recueillement, mais dans le recueillement, une joie qui ne vous quitte pas. Là, des silhouettes d'oiseaux sont alignées sur un fil invisible, hirondelles brodées rassemblées contre un ciel de singalette pour une migration, mais pas pressées de partir. Car on est bien, ici, entourés de la bienveillance et de la générosité de l'artiste. Alors, on flâne sur les deux étages qu'a investi la sculpteure textile, on s'émerveille de l'appel à l'évasion d'« Aquaviva » grande pièce de tissu déroulée depuis le plafond, superposition élégante de formes qui évoque les reflets de l'eau, le miroitement du ciel, un ailleurs inexprimable (« Oh, un rêve ! » s'est exclamé une visiteuse en découvrant ce jeu d'ombres et de transparences), on voyage, on déambule entre les installations et dans son propre esprit. A l'étage, la promenade s'enrichit de la partition sonore de Jérôme Bodon-Clair, impeccable comme d'habitude. De longues pièces de tissu blanc descendent du plafond et sont arrimées au sol par des monticules de terres de couleurs différentes. Les totems hybrides, entre légèreté irréelle et gravité terrienne, font une ronde autour du visiteur qui entre dans le cercle. Et puis, après cette installation intitulée « terre douce », tout imprégné de splendeur, le visiteur est accueilli au coeur d'un nuage de pièces en suspension, une centaine de nautiles et d'ammonites flottent dans la pièce, la voix de la bande sonore sous-tend ce paysage onirique d'une nappe tout aussi suspendue, éthérée. Ici, me confie Claude, qui souhaite la bienvenue à chacun, des enfants ont pu se coucher et rêver, reprendre leur souffle, abandonner un temps leur armure martyrisée. Ils ont reçu un peu de cette générosité qu'offrent les sculptures textiles de Catherine Chanteloube. Et avec eux, l'adulte qui voudra bien laisser à la porte ses colères et ses peurs, aura grand bénéfice à entrer dans l'univers de cette artiste. Pour ses yeux, sa joie, son âme.
Exposition Catherine Chanteloube, jusqu'au 24 juin, au Château de Beaulieu. Entrée libre. -
Roman en cours
Le titre n'est pas encore trouvé (quelle affaire, trouver un titre ! S'il ne se présente pas tout de suite avec évidence, on met des années à chercher le bon), mais l'écriture est bien avancée. Elle devrait s'achever fin juillet, selon mes caculs. Il est très probable que ce gros roman restera inédit mais, sait-on jamais ? Peut-être que les trois ans passés sur ce texte produiront un livre publiable aux yeux d'un éditeur ?
Les Feigne avaient invité le nouveau maire, Monsieur Mestrel, et son épouse. Amédée et Charlemagne préféraient nettement son prédécesseur, monsieur Plaisant, plus en accord avec leurs valeurs et en présence de qui on pouvait inviter leur curé, mais il fallait absolument cajoler celui-ci, considérer comme rien son affichage trop radical pour être honnête, et discuter avec lui certains aménagements de voirie, certaines souplesses de règlements, des exceptions à la règle, enfin toutes choses qui se négocient autour d'une bonne table. Alma et Charlemagne étaient descendus de leurs appartements pour rejoindre le salon avant le souper. Ernest était admis. On estimait que ses huit ans lui donnaient assez de maturité pour se tenir tranquille le long d'un repas de trois heures. C'était une première tentative dont on lui avait signifié l'importance. On avait beaucoup tergiversé. Dans le salon même, Hortense et Alma s'échauffèrent sur la meilleure place : ici, près de la porte en cas de besoin pressant, au milieu d'eux assis par terre (« mais tu déraisonnes ma fille »), sur la bergère entre ses parents... On lui fit tester toutes les stratégies. Ernest s'asseyait docilement, les femmes considéraient l'ensemble comme on juge la composition d'un tableau, hochaient la tête, faisaient « non », revenaient à une autre idée. Enfin, il était là, sagement à l'écart sur un tabouret tandis que les adultes devisaient autour d'un poiré frais, confortablement installés dans des fauteuils. Ernest observait cette vie, ces échanges incompréhensibles. Il oublierait cette première, n'en retiendrait que la sensation tenace de ne pas savoir quelle est sa place véritablement pour ne la gagner qu'en fin d'une théorie d'incertitudes, un peu par défaut.
Autrement, hier, belle séance de signatures à l'Espace Culturel Leclerc de Riorges, des amis, pas mal de nouvelles têtes, des discussions intéressantes et d'étranges retrouvailles, venues du fond des âges. Prochaine signature à la librairie Ballansat, à Renaison, samedi 16 juin, de 10 heures à 12 heures. Au passage, je remercie les blogueurs qui se font en ce moment-même le relais de l'information, tentative de pallier le boycott d'une partie de la presse locale.
-
Premiers retours
Les premières réactions de lecteurs de « J'habitais Roanne » commencent à venir, par mail ou témoignage direct, et puis il y a la blogosphère. Pour l'instant, tout va bien.
Sur son blog, l'auteur des Calamités quotidiennes évoque sa gourmandise de Roannais à retrouver ses marques et ses lieux. Je ne sais pas si je peux citer son nom ici, aussi suis-je contraint de le remercier anonymement.
Laurent Cachard, lui, n'est pas roannais, et je dois dire que j'attendais avec un rien d'anxiété ce que cet exigent lecteur et auteur allait penser de ce parcours singulier dans une ville modeste et inconnue. Ce qu'il en dit est à lire ici, sur son blog, et je dois dire que son texte m'a cueilli. Laurent a su restituer dans son article les enjeux essentiels qui traversent le livre, et il l'a fait avec beaucoup d'humanité, de sincérité, d'intelligence. Je sais que ce n'est pas seulement par amitié, mais parce qu'il a vraiment aimé. Alors, je suis très fier de vous proposer d'en prendre connaissance. D'un point de vue purement formel et littéraire, c'est déjà un régal, ça compte. -
Cachard au carré
Dans le cadre de l'exposition "Carrés de Soi" au Carré de Soie, Laurent Cachard présentera son dernier roman, "le Poignet d'Alain Larrouquis" à la Librairie Gibert Carré de Soie, à Vaulx-en-Velin, le 30 juin à partir de 16h30.Qui est Alain Larrouquis ? Qu'a son poignet de si spécial qu'il inspira un auteur et le destin d'un personnage de roman ? Si vous l'ignorez, cela signifie que : 1) Vous n'êtes pas familier de ce blog ; 2) il vous reste au moins un roman à lire dans votre vie ; 3) vous allez imméidatement remédier aux deux premiers points et aller rencontrer Cachard, auteur déjà classique (puisqu'on l'étudie en classe, figurez-vous).Voilà. -
Barbus
Ma douce me fait souvent remarquer que les barbus sont des gens biens. Un barbu apparaît à la télé. Discours du barbu. Valeurs humanistes, défense du partage, projets généreux, engagement dans la culture ou la solidarité... Souvent, étrangement, son raisonnement absurde tombe juste : le barbu, selon nos valeurs, est un type bien. Le fait que je sois barbu n'a bien sûr aucune influence sur la manière de voir de ma douce. Et tout aussi certainement, les Talibans sont l'exception qui confirme la règle.